POETESSE D'AINSEFRA: SAFIA KETOU

AINSEFRA a engendré en son sein beaucoup d'intellectuels .

Hommage à Safia Ketou
La cithare s’est tue !

Il y a quinze ans, la poétesse et journaliste Safia Ketou faisait un choix terrible, elle préféra l’écriture de la mort.
Elle croyait dans le pouvoir régénérateur des mots. Elle pensait écarter ses forces obscures, éclater les sens chauds, ceux qui l’aideront à se défaire de ce voile qui l’enserrait à ne plus en finir. Mais les vers qui déchiraient son silence restaient accablés. Une saison en enfer et Rimbaud, poète maudit, se consumait d’une vie morose traînant ses souffrances et ses destinée de ces êtres fragiles, sensibles, ces poètes mystiques, incompris, rejetés, solitaires qui dans leur tour d’ivoire se racontent une vie parallèle.
Cette poétesse, partie trop tôt, sur la pointe des pieds, fidèle à l’image déchirante des faiseurs de mots plus proches du surréalisme que de l’évidence, n’a pas survécu à la confrontation de ces deux mondes. Le pouvoir magique des mots n’avait plus d’emprise sur elle.
Voici qu’apparaît alors la mort comme dans un songe, la mort qui appelle, qui ne pardonne pas à l’âme torturée et Safia Ketou aspirait au repos, elle n’en pouvait plus même si dans sa poésie, l’espoir prime sur toute chose et être. Elle avait franchi le pas, à quoi pensait-elle donc en posant fatalement son pied, il y a quinze ans sur le rebord de ce pont maudit du boulevard Salah-Bouakouir qui se trouva sur sa route ? Elle avait juste 45 ans. Poétesse, journaliste à la radio puis à l’APS, Safia Ketou était née le 15 novembre 1944 à Aïn-Sefra, de son vrai nom Rabhi Zohra Ben Tayeb. Elle arrête ses études au secondaire et va enseigner entre 1962 et 1969 à Aïn-Sefra avant de se consacrer au journalisme.
Elle écrit des nouvelles et des poèmes publiés dans la presse avant de se faire éditer au Canada chez Naâman avec Amie Cithare, un recueil de poésies en 1979 et La planète mauve et autres nouvelles chez le même éditeur en 1983.
Dans ses nouvelles, Safia Ketou disait la difficulté d’être femme, la soumission et la résignation dans un style ingénu, simple avec des mots enfantins, un brin de naïveté.

N. B.
Liberté, le 8 février 2004

voici une idée de ce qu'était cette femme poête: femme libre et courageuse

Si parmi vous je mourrais un jour
Mais mourrais je vraiment ?
Ne récitez pas pour moi le coran à mon chevet
Laissez le donc à ceux qui en font commerce
Ne me reservez pas deux arpents de votre paradis
Car un seul a suffit à faire mon bonheur sur la terre
Ne saupoudrez pas ma tombe de graines de figues sèches
Afin que les oiseaux du ciel viennent les manger
Reservez les d'abord aux êtres humains
N'empêchez pas les chats de pisser sur ma tombe
Car tous les jeudis les chats pissaient sur le pas de ma porte
Et la terre jamais n'en trembla
Ne me rendez pas visite une fois l'an
Car je n'ai rien à vous offrir
Ne jurez pas par le salut de mon âme ni sincérement
Ni même de mauvaise foi.