Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AIN SEFRA : MA SOURCE JAUNE
AIN SEFRA : MA SOURCE JAUNE
Publicité
Derniers commentaires
AIN SEFRA : MA SOURCE JAUNE
Archives
3 août 2006

Isabelle EBERHARDT

Eberh

isabelle_eberarthIsabelle EBERHARDT (Genève, 1877 - Aïn Sefra - 1904) a fait de sa courte vie un grand voyage. Déguisée en homme, elle parcourt le Sud algérien, adopte la religion musulmane, et partage le quotidien des bédouins. Elle meurt à 27 ans en plein désert dans la crue d'un oued. Sa passion pour l'écriture nous permet d'avoir aujourd'hui des textes passionnés et passionnants sur une époque et des lieux peu connus.

Isabelle Eberhardt est née à Genève le 17 février 1877 à la villa Fendt, située dans le quartier des Grottes. Isabelle est la fille illégitime de réfugiés russes : Natalia de Moerder, née Eberhardt, et Alexandre Nicolaïevitch Trofimovsky, dit Vava. La légende lui attribue parfois le poète Arthur Rimbaud comme père. Désireux de préserver leurs enfants et de ne pas susciter la désapprobation sur leur liaison, à l'époque peu conformiste, Natalia et Vava décident de rester en Suisse après la naissance d'Isabelle.
La famille s'installe à Meyrin, à la Villa Neuve. Isabelle y passe son enfance en compagnie de quatre des enfants de Natalia: Nicole, Augustin, Natalie et Volodia. Cette famille recomposée, cosmopolite et si peu conformiste, attirait l'attention. Isabelle Eberhardt fut d'abord instruite par son père Vava.

Elle fréquenta ensuite l'école secondaire. La Villa Neuve était un lieu de rencontre cosmopolite. On y entendait parler le russe, le français, l'allemand, l'italien et l'arabe, parfois aussi le grec et le latin. Isabelle Eberhardt a ainsi grandi dans un environnement multiculturel et intellectuel puisque la maisonnée regorgeait de livres dans différentes langues.
Cette effervescence culturelle et cosmopolite développa chez elle une intarissable soif de découverte et éveilla, semble-t-i, les soupçons de la Police des étrangers.
En 1883, l'aîné des enfants, Nicola, quitta le domicile familial pour s'engager dans la Légion étrangère. Isabelle entendit parler pour la première fois de l'Algérie.
Par mesure d'économie, Isabelle portait les vêtements de ses frères, mais prit bientôt goût aux vêtements masculins dont elle aimait s'affubler pour déambuler dans les rues de Genève.
En 1888, Augustin, autre second demi-frère d'Isabelle Eberhardt, s'engagea dans la Légion étrangère et gagna à son tour l'Algérie. Elle se mit aussitôt à apprendre l'arabe et le kabyle ainsi que le dessin pour pouvoir réaliser des croquis. Elle ne rêva plus que de voyages et de récits. C'est ainsi qu'elle chargea son frère de tenir à jour scrupuleusement un journal sur sa vie de légionnaire. Elle-même prit le pseudonyme de Nicolas Podinsky et tint une correspondance avec un ami matelot de son frère.

Ses rêves d'aventure et de voyages se concrétisèrent d'abord par des récits écrits à quatre mains avec son frère et par sa correspondance.
En 1895, Isabelle Eberhardt est âgée de dix-huit ans. Ses premières nouvelles sont publiées dans divers journaux. On citera " Infernalia " parue dans La Nouvelle Revue parisienne puis " Vision du Maghreb ". Isabelle Eberhardt y décrit l'Algérie qu'elle n'a pourtant encore jamais visitée.
En mai 1897, Isabelle Eberhardt effectue, enfin, son premier voyage en Algérie. Elle est accompagnée de sa mère qui souhaite se rapprocher de son fils Augustin. Les deux femmes se convertissent à l'Islam et Isabelle prend le pseudonyme masculin arabe de Mahmoud. La mère d'Isabelle, Natalia de Moerder, décéda peu après, en novembre 1897, à l'âge de 59 ans. En 1898, l'organe de presse L'Athénée publie les nouvelles d'Isabelle. Suite à une dispute avec le directeur, sur fond d'antisémitisme et d'affaire Dreyfus, Isabelle Eberhardt ne fut plus publiée et se trouva sans ressources.
Elle débute à cette époque la rédaction de Rakhil, roman d'amour entre un étudiant musulman et une jeune fille juive, qui l'accompagnera partout mais qu'elle n'achèvera pas.
En 1899, Isabelle perdit son frère Volodia qui mit fin à ses jours puis son père Vava.
En juin 1899, Isabelle et son frère Augustin gagnent Tunis. Isabelle poursuit seule la route vers l'Algérie. Déguisée en homme, elle est vêtue d'un burnous blanc et coiffée d'un turban. La confusion autour de son identité (une femme vêtue comme un homme qui se fait appeler Mahmoud Saadi mais possède un passeport russe au nom d'Isabelle de Moerder) sème le trouble parmi les autorités. Difficile en effet d'imaginer une femme voyageant seule par plaisir dans ces contrées arides ! Elle put toutefois résoudre ces difficultés administratives et poursuivre son périple. Elle côtoie les caravanes et les convois militaires et écrit pour un journal qui lui a commandé ses impressions de voyage.
Isabelle Eberhardt rencontra l'amour de sa vie en la personne de Slimène Ehnni, un soldat des corps de cavalerie indigène de l'armée française en Afrique du Nord. En janvier 1901, elle fut victime d'une tentative d'assassinat à Béhina.
Il est évident que le mode de vie d'Isabelle Eberhardt, sa liaison avec un indigène, suscitaient la désapprobation des colons. Son mariage avec Slimène fut refusé par l'armée française.

eberhardt4

En mai 1901, les autorités françaises l'enjoignent de quitter l'Algérie. Elle gagna Marseille, sous un faux nom et vêtue d'un bleu de chauffe pour voyager en 4ème classe, non autorisée aux femmes.
Isabelle Eberhardt fut convoquée à Constantine en qualité de victime et témoin dans le procès qui devait s'ouvrir le 18 juin 1901, suite à la tentative d'assassinat dont elle avait été victime. Elle rédigea une lettre dans un quotidien d'Alger qui donnait sa version des faits. Le coupable fut finalement condamné et Isabelle bannie d'Algérie. On estimait que son mode de vie et ses déguisements étaient des facteurs de troubles.
Elle finit par obtenir l'autorisation d'épouser civilement Slimène le 17 octobre 1901 à Marseille. Le couple rejoint l'Algérie le 14 janvier 1902. Isabelle Eberhardt reprend ses voyages dans le désert. Elle semble s'intéresser particulièrement à l'hydrologie du désert : oueds, sources, torrents. De retour à la capitale, Victor Barrucand lui offre un poste d'envoyée spéciale pour le journal " L'Akhbar ". Elle collabore aussi avec Luce Denaben, directrice de l'école-ouvroir des filles musulmanes d'Alger. Pour la première fois de sa vie, Isabelle Eberhardt peut véritablement vivre du journalisme. Slimène obtient lui un poste d'interprète. Isabelle se rapproche également d'un groupe d'écrivains éditant une revue littéraire " La Grande France ".
La soif des grands espaces la reprend. Elle repart, de plus en plus longtemps, à travers les immensités du Sahara. Ses périples sont publiés régulièrement dans " L 'Akhbar " où elle tient une colonne. Dans ses nouvelles, si riches en couleurs et atmosphères, Isabelle Eberhardt n'hésite pas à défendre les fellahs et à s'élever contre la colonisation. En 1903, elle se rend à Aïn Sefra où un conflit de frontière fait rage entre le Maroc et l'Algérie. Elle officiera comme " reporter de guerre ", sans doute une première pour une femme. Ses articles et analyses politiques étaient prisés par de nombreux journaux dont le " Mercure de France ". Elle se lia d'amitié avec le colonel Lyautey, futur Maréchal de France.

Le 21 octobre 1904, Slimène, en permission, la rejoignit à Aïn Sefra. Ce jour fut le dernier d'Isabelle Eberhardt.
La ville d'Aïn Sefra fut en effet le théâtre d'une catastrophe naturelle. L'oued se transforma en torrent furieux et la ville fut emportée. Slimène fut retrouvé vivant, mais Isabelle, affaiblie par le paludisme, n'avait pas pu fuir. On la retrouva dans les ruines de sa maison, vêtue de son habit de cavalier arabe. Isabelle fut enterrée au cimetière musulman. On retrouva ensuite le manuscrit de " Sud Oranais " que Barrucand fit publier un an plus tard.
Emportée à l'âge de 27 ans, Isabelle Eberhardt laisse des nouvelles et récits de voyage rédigés au cours de sa vie romanesque. Bien qu'elle ne reçut pas, de son vivant, la consécration littéraire à laquelle elle aspirait, Isabelle Eberhardt a lancé un nouveau genre de littérature coloniale, dénuée de préjugés.
De la mort, elle a écrit :
" Tout le grand charme poignant de la vie vient peut-être de la certitude absolue de la mort. Si les choses devaient durer, elles nous sembleraient indignes d'attachement. " (A l'ombre chaude de l'Islam)

«Je ne suis qu'une originale, une rêveuse qui veut vivre loin du monde, vivre de la vie libre et nomade, pour essayer ensuite de dire ce qu'elle a vu et peut-être de communiquer à quelques uns le frisson mélancolique et charmé qu'elle ressent en face des splendeurs tristes du Sahara.»

ainsefra6

C'est dans le dépouillement du désert qu'Isabelle Eberhardt écrit, inlassablement, le cœur battant de mille sensations que lui procure le moindre détail. Loin de l'archétype de l'écrivain voyageur en mal de sensations exotiques, et qui s'enivre de ses propres rêves, Isabelle Eberhardt est l'expression d'une fusion avec cette terre d'accueil. Dans son approche du Maghreb, elle rompt complètement avec l'orientalisme et le pittoresque et décrit les algériens dans leur situation de peuple colonisé. Elle devient un étonnant témoin de la réalité algérienne.
Écrivain calomnié de son vivant, reconnu et encensé après sa disparition, sa vie et son oeuvre sont intimement liées.

L’Algérie a possédé Isabelle Eberhardt ; son désert l’a envoûtée, l’a rendue adoratrice de cet Orient à la fois mystérieux et mystique.

eberhardt2

      Le personnage d’Isabelle Eberhardt est charismatique, imposant, suscitant, de tout temps, un vif intérêt pour avoir connu une existence intrépide et une destinée singulière. Pour célébrer le centenaire de la disparition de l’écrivain, la Bibliothèque nationale a organisé une rencontre autour de cette femme spectaculaire qui, née à Genève en 1877 et emportée par la crue d’un oued à Aïn Sefra en 1904, fut, jusqu'au dernier souffle de sa vie, éprise du Sud algérien.
      Animée par Kempf Rochd Jules, universitaire, la rencontre a retracé une trajectoire sensationnelle, brossant son portrait.
      «Isabelle Eberhardt a joué un rôle important, pour ne pas dire capital, dans ma conversion et mon insertion dans ce pays», a expliqué l’intervenant.
      Cela montre à quel point Isabelle Eberhardt parvient à exercer une profonde influence sur toute personne venant l’approcher et la découvrant.
      Isabelle Eberhardt, d’une stature exceptionnelle, a connu en effet une existence singulière : elle a connu toute sa vie l’exil. «C’était une vagabonde, une errante, une exilée», a-t-il dit, ajoutant que «sa vie, elle l’a passée à voyager, à aller de découvertes en rencontres, car c’est une femme qui, rêvant d’horizons lointains, était instable».

                                                                     
 
eberhardt    Issue d’une famille allemande émigrée depuis plus de trois générations en Russie, ensuite réfugiée en Suisse, Isabelle Eberhardt a connu une enfance et une adolescence recluse, singulière. Son arrivée dans le désert est comme une fuite, un exil. Elle vient en Algérie pour chercher l’équilibre, retrouver l’harmonie : c’était une quête de ce qui peut réconforter son exil, notamment son exil intérieur.
      En 1897, Isabelle Eberhardt découvre l’Algérie, elle va à la rencontre du désert, notamment. Elle connaît Alger vers 1900, mais c’est le désert qu’elle va affectionner. Elle sillonne donc l’Algérie d’Est en Ouest, du Nord au Sud, mais c’est dans le désert qu’elle va puiser une grande partie de son inspiration créatrice en matière de littérature. De ses nombreux périples dans ces contrées reculées où elle ne passe cependant que peu de temps, elle rédige une œuvre conséquente, des textes et des témoignages à travers lesquels elle narre aussi bien les malheurs que les bonheurs des Algériens ; elle y défend le pauvre et dénonce le colonialisme.
      D’ailleurs, elle se sent beaucoup plus proche de la communauté algérienne musulmane que des colons ; elle se sent «étrangère» au sein de la communauté européenne. Pour se démarquer des siens, elle s’habillait en homme et avait pris un pseudonyme masculin : elle se faisait appeler Si Mahmoud. Isabelle ne fréquentait que le milieu indigène. Elle nourrissait une adoration, un intérêt pour les lieux de culte au point de finir par se convertir à l’islam : «Elle était devenue une adepte de la confrérie des Kadiria», a précisé l’orateur. Tout cela lui a valu l’antipathie des colons, et elle fait l’objet de plusieurs cabales.
   
eberhardt2  Pour finir, Kempf Rochd Jules dit que Isabelle Eberhardt était une chercheuse de l’absolu : serait-elle une idéaliste ? Elle cherchait un pays, une société où elle pouvait s’intégrer et en faire partie.
      «Pour arriver à comprendre Isabelle Eberhardt, il faut se laisser imprégner par ses écrits», a-t-il conclu.
      Isabelle Eberhardt est une sorte de Georges Sand ; transplantée aux confins du Sud algérien, cette amazone téméraire, mystérieuse, qui pratiquait le bivouac à l'instar de ses compatriotes, a offert à la postérité, plusieurs nouvelles et récits de voyages, dont Yasmina (1902), Le Major (1903), La Rivale (1904), Nouvelles algériennes (1905), Dans l'ombre chaude de l'islam (1906), Les Journaliers (1922)...
                                             

  desirorient  eberjour  ebernot

                                 

  • Sud Oranais, 1905, J. Losfeld, Paris, 2003
  • Notes de route, 1908 
  • Pages d'Islam, 1908
  • Trimardeur, 1911
  • Dans l'ombre chaude de l'Islam, 1921 
  • Mes Journaliers, 1923
  • Amara le forçat, l'Anarchiste, 1923
  • Au Pays des sables (1ère édition sous le titre Contes et paysage, 1925), J. Losfeld, Paris, 2002

                                ebersab       eberyas

Ses œuvres complètes ont été éditées à la fin des années 1980 :

  • Lettres et journaliers, présenté et commenté par Eglal Errera, Arles, éd. Actes Sud, 1987.
  • Écrits sous la sable, édité par Marie-Odile Delacour et Jean-René Huleu, Paris, éd. Grasset, 1988-1989.

                      isabdesert       nomadej

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité